Le défi de la communication éthique dans le tourisme

Le défi de la communication éthique dans le tourisme : rencontre avec Rebecca, responsable communication de la Fédération Grandir A

Dans le domaine du tourisme équitable, une communication éthique est essentielle pour sensibiliser le public. J’ai eu le plaisir d’interviewer Rebecca, responsable de communication à la Fédération Grandira. Cette fédération promeut un tourisme respectueux et solidaire, conscient des problématiques mondiales. Dans cette entrevue, Rebecca partage ses réflexions, ses défis et ses espoirs pour une communication éthique dans le tourisme.

Bonjour Rebecca. Peux-tu expliquer ce qu’est la Fédération Grandira ? 

Grandira est une fédération qui s’inscrit dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. Elle agit à travers deux projets interconnectés : 

Nos agences de voyages versent un minimum de 5% du prix des séjours à Grandir Ailleurs. Grandir Ailleurs, Grandir Aventure et Grandes Latitudes partagent les locaux et l’expertise de l’équipe est utilisée de manière transversale et complémentaire.

Quels sont vos objectifs principaux pour Grandir Aventure et Grandes Latitudes ?

Nous accordons une grande importance à l’aspect sensibilisation. 

Nous proposons du tourisme équitable et solidaire, une pratique alternative à laquelle tout le monde n’est pas forcément ouvert. Le défi réside dans le fait que ces séjours n’attirent qu’une minorité de voyageurs. Car un voyage équitable et solidaire implique quelques compromis.

Cela peut impliquer d’éviter les vols internes malgré de longues heures de routes. Nous proposons aussi de loger chez l’habitant pour une expérience authentique.

Nous nous efforçons de déconstruire l’idée consumériste du voyage et de promouvoir une manière de voyager différente et plus consciente. 

C’est aussi casser les préjugés “voyage solidaire VS voyage humanitaire”. Nous ne proposons pas de voyage humanitaire ! Nos circuits offrent parfois des immersions dans des associations, mais ce n’est pas du volontariat. L’objectif est de découvrir un projet, de sensibiliser à une cause et de faire des rencontres. Les bénéficiaires ont besoin de soutien professionnel, pas de touristes temporaires. Les missions humanitaires nécessitent des compétences spécifiques et sont menées par des travailleurs sociaux locaux formés. 

Voyager solidaire, c’est minimiser les impacts négatifs du tourisme, comme la pollution. C’est aussi maximiser l’impact positif : immersion, échanges interculturels, développement local et renforcement de l’économie locale.

Nous cherchons, à travers une communication éthique, à « planter la petite graine » du changement, en espérant que les gens rentrent de voyage avec l’envie d’agir différemment dans leur quotidien, qu’il s’agisse de voyager autrement ou de s’engager localement. Nous avons déjà vu des jeunes revenir des voyages Grandir Aventure et s’orienter vers des carrières dans le social ou l’associatif, ce qui est pour nous une belle réussite !

Quels sont les défis ou les difficultés rencontrées par les agences de voyages en termes de communication ?

En termes de communication, nos principaux défis sont d’atteindre une audience plus large et de faire connaître notre cause, tout en composant avec un budget serré.

De manière générale, l’un de nos défis est de concilier nos valeurs éthiques et les demandes du marché. Nous travaillons beaucoup avec des comités sociaux d’entreprises qui ont parfois des attentes spécifiques, comme la réalisation de chantiers humanitaires, qui ne correspondent pas toujours aux besoins réels sur le terrain. 

Il est difficile de maintenir nos valeurs face à ces pressions, surtout lorsque nous avons besoin de générer des revenus par la vente de voyages. Une communication éthique est essentielle pour nous, mais doit nous permettre de survivre économiquement. C’est pourquoi la sensibilisation de tous les acteurs (voyageurs, guides, équipes d’encadrements, partenaires locaux, clients, prospects)… est essentielle !

Quelle stratégie de communication éthique avez-vous adoptée ?

De manière générale, nous essayons de faire attention à ne pas promouvoir une vision du voyage consumériste à travers une ligne éditoriale mesurée, qui appelle à voyager consciemment, sans excès. 

Nous cherchons à vendre nos voyages bien sûr, mais aussi à sensibiliser et faire découvrir à tous une vision différente du voyage. Les gens doivent savoir qu’un voyage a de véritables impacts (positifs et négatifs !) sur l’environnement social, économique et naturel sur place. Nous travaillons donc à la mise en ligne d’articles et de publications sur les réseaux sociaux pour parler de ces sujets. 

Et puis, on ne partage pas tout sans réfléchir : si j’écris un article sur un endroit, je dois me poser de multiples questions. Par exemple, certaines activités ne sont pas compatibles avec notre charte du tourisme équitable et solidaire (exemple : attractions impliquant la captivité des animaux – tels que les spectacles marins et les zoos). J’essaye de parler d’activités immersives, qui vont favoriser l’économie locale et éviter un impact négatif sur l’environnement naturel.

Quels sont vos projets en termes de communication pour les prochaines années ?

Nos projets de communication pour les prochaines années visent avant tout à stabiliser nos actions. Avant de développer de nouvelles initiatives, nous voulons nous assurer de bien faire ce que nous avons déjà commencé. Par exemple, lancer un blog n’a pas de sens si nous n’avons pas le temps de publier régulièrement des articles. Nous sommes conscients que la non-actualisation d’un blog peut donner une image peu professionnelle. Notre objectif est donc d’équilibrer nos actions en fonction des ressources financières et humaines dont nous disposons.

Nous envisageons également de nous développer sur Instagram, notamment pour Grandir Aventure, afin de fidéliser les jeunes qui partent avec nous. De plus, nous souhaitons créer des liens entre nos différentes structures. Un jeune qui part avec Grandir Aventure pourrait devenir un adulte qui voyagera avec Grandes Latitudes, et éventuellement un donateur pour Grandir Ailleurs. Ce n’est pas une tâche facile, mais nous sommes déterminés à relever ce défi.

Quels sont vos objectifs pour la suite ?

Nous aimerions développer la notoriété de Grandir Aventure et de Grandes Latitudes, et notamment développer notre base de clients individuels. Actuellement, nous travaillons surtout avec des Comités Sociaux et Économiques (CSE) qui sont des groupes déjà formés. Nous aimerions réussir à capter également plus de clients individuels. En effet, bien que nous recevions des demandes, elles ne sont pas suffisantes pour former un groupe complet.

Nous aimerions également réussir à ce que nos voyageurs s’engagent auprès de notre association Grandir Ailleurs. Même si 5% du prix est reversé à l’association, certains voyageurs deviennent des donateurs, parfois des bénévoles. Certains essayent même d’engager leur entreprise comme bailleur ! Mais cela reste malheureusement marginal. 

Selon toi, à quoi est-ce lié ? Est-ce simplement dû à un manque de visibilité ? Ou est-ce parce que les gens ne sont pas encore suffisamment sensibilisés et que cela viendra avec de la pédagogie et du temps ?

Selon moi, c’est un peu des deux !  Côté visibilité, nous comptons sur notre nouveau site internet Grandir Aventure pour l’améliorer, et continuer à développer nos réseaux sociaux pour atteindre nos différentes cibles (principalement Linkedin et Instagram) .

Quant à Grandes Latitudes, nous rencontrons des difficultés à nous développer et à recevoir des demandes, car nous nous concentrons uniquement sur une seule destination. Et puis Madagascar est un pays où le tourisme est complexe, notamment en raison de l’état des routes. Par exemple, il est nécessaire de faire comprendre aux gens que voyager là-bas implique parfois de faire entre 5 et 10 heures de route en une journée. Mais c’est une véritable aventure qui offre des opportunités d’immersion incroyables.

Si tu avais une baguette magique et pouvais trouver une solution instantanément, que souhaiterais-tu dans un monde idéal pour la fédération ?

Je souhaiterais que les gens s’ouvrent à un nouveau genre de tourisme, un tourisme équitable et solidaire. Cet enjeu dépasse même la seule Fédération Grandira, il concerne toute l’ATES (Association pour le Tourisme Équitable et Solidaire), dont les membres travaillent ensemble et se soutiennent mutuellement. Si les gens sont sensibilisés à ce qu’est le tourisme équitable et solidaire, nous pourrons nous démarquer car chaque séjour que nous proposons respecte les critères du label. C’est un travail colossal mais nécessaire. Si les gens deviennent conscients de cette approche et désirent voyager de manière solidaire, notre développement suivra naturellement. Cela signifie des voyages différents basés sur une base de commerce équitable.

Nous voyons aussi plus loin, car cela signifierait aussi une plus grande visibilité pour Grandir Ailleurs et pour ses projets de protection de l’enfance vulnérable à Madagascar. Tout cela forme une continuité logique.

Je tiens à remercier sincèrement Rebecca pour avoir pris le temps de partager avec moi sa vision et son expérience en tant que responsable de la communication pour la Fédération Grandira. Ses précieuses informations contribueront sans aucun doute à éclairer ceux qui cherchent à comprendre les défis et les opportunités du tourisme équitable et solidaire. J’attends avec impatience de voir comment la Fédération continuera à évoluer et à innover dans les années à venir !

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